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C’est ainsi qu’Evelyn Muñoz, Directrice de Anse Chili, m’a proposé de réaliser un webinar sur le sujet des émotions. Nous l’avons réalisé ce 27 Août 2020 et 205 personnes se sont inscrites, soit le double d’inscrits habituellement sur d’autres sujets. C’est vrai que les émotions sont un sujet qui passionne et qui nous attire. En même temps, avec ce que nous vivons émotionnellement aujourd’hui, je comprends l’attrait du sujet.
Comme tout événement traumatique, le COVID-19 nous a fait passer et nous fait encore passer par le spectre des émotions classiques : tristesse, colère et peur. Je ne pense pas qu’il ait pu permettre de la joie chez un être normalement constitué. Ici, on s’accordera sur le fait que joie, tristesse, colère et peur sont les 4 émotions fondamentales.
En coaching systémique, les émotions sont un indicateur pour passer à l’action. Elles sont là pour permettre de penser et agir autrement ce qui est l’essence même du coaching.
Dans cet article, vous pourrez avoir un aperçu de comment en coaching systémique les émotions permettent à nos clients d’atteindre leurs objectifs centrés relationnel et performance.
I – Le cadre de référence des émotions dans le coaching systémique
Je suis également surpris quand on me demande « comment gérez-vous les émotions ? ». Comme si une émotion se gérait comme on gère un stock ou de l’argent. J’aime bien y répondre par l’absurde : « En fait, ça dépend du choix du système de gestion : ferez-vous un choix de type LIFO (Last In First Out) ou FIFO (First In First Out) ? ou alors il faut s’adresser au banquier pour qu’il vous accorde une nouvelle ligne de crédit ? » Là aussi, l’absurde, l’humour permettent d’instaurer un échange plus profond.
Que cachent ces deux questions en entreprise ? A quels cadres de référence renvoient-elles ? Un besoin d’innovation ? D’autonomie ? De créativité ? Ou au contraire comme ces parents qui ne veulent pas que leurs enfants pleurent, s’expriment, soient triste, en colère, comme quelque chose qui ressemblerait à « tais-toi et travaille » ? du paternalisme ? ou une infantilisation à l’extrême ?
L’échange provoqué par l’humour et/ou l’absurde permet de penser autrement et comme par magie, l’émotion devient une alliée.
On me demande parfois « si mon coaching est centré relation ? ». Le mot relation est ici élégamment employé pour parler des émotions. Là aussi, j’aime répondre en disant : « imaginons que mon coaching est centré uniquement relation, sur quoi n’est-il pas centré alors ? ». La réponse immédiate qui vient est « il n’est pas centré résultat ». Je rajoute « alors, si mon coaching est centré uniquement résultat, il n’est pas centré relation ? ».
En fait, mon coaching est centré sur le ET : le ET entre relation ET résultat.
Aussi, pour la même entreprise, j’ai eu à accompagner la Direction Générale des Ressources Humaines et plus tard la Direction Financière de l’entreprise. L’équipe des Ressources Humaines de part sa culture était très centrée relation. Leur amélioration des performances, et paradoxalement des relations, s’est faite en centrant le coaching sur les résultats. L’équipe de Direction Financière de part sa culture était centrée résultat. Et bien, l’amélioration des relations et paradoxalement des résultats s’est faite en centrant le coaching sur la relation. Lors d’un repas, j’ai eu l’occasion de réunir les deux directeurs : leur échange fut passionnant. Ils ont même décidé d’en faire un coaching d’organisation qui rassembleraient les deux directions car ils ont saisi leur complémentarité et comment chacun peut apprendre de l’autre.
Le coach systémique est attentif à la façon dont la personne, ici le prospect, formule ses questions. En effet, la façon dont le prospect ou le client formule est un indicateur de son propre cadre de référence et de sa vision du coaching. Le rôle du coach systémique n’est pas d’être un donneur de solution en orientant les questions et leur formulation ce qui aurait comme conséquence de disqualifier le client comme le non-sachant. Il est là pour permettre à la personne ou l’équipe de changer de cadre de référence car son système de croyance le limite dans l’atteinte de ses objectifs.
J’en profite pour rappeler que, pour nous, le coaching ne peut pas être une expertise dans un domaine précis. Si le coach est expert dans un quelconque domaine, alors ce coach est un expert. Il devient donc le sachant, le donneur de solution, ce qui est à l’opposé du métier de coach. De ce fait, il devient important pour un coach qu’il soit débutant ou pas, d’être très attentif à son positionnement marketing car si il se présente comme un expert dans un domaine, il ne peut plus être perçu comme un coach. C’est donc normal que le prospect ou le client se perde entre le consultant, l’expert, le formateur, le thérapeute et le coach. Ça peut devenir logique qu’il ne le choisisse pas comme fournisseur car il n’est ni expert, ni consultant, ni formateur, ni thérapeute, ni coach.
C’est pour toutes ces raisons que le coach systémique en accord avec son client accompagnera le client à partir de ce qu’il est et ce qu’il fait sur le moment.
II – Pour le coach Systémique les émotions sont un indicateur vers l’action, le futur, le positif.
Pour agir, le coach et le coaching sont centrés positif, futur, action. Le coach n’entre pas dans une analyse profonde de la problématique du client, il est empathique sans non plus se mettre totalement à la place de son client car, à trop être dans les chaussures de son client, par capillarité, il pourrait lui aussi être limité pour faire grandir son client. J’aime aussi le mot compassion.
Il arrive parfois que le client ait du mal à faire face à ses émotions, et même à les exprimer. Entrer dans l’analyse des émotions, dans des explications conceptuelles, peut être contre-productif pour permettre à son client d’atteindre son objectif. En effet, le client peut se sentir jugé car il sait qu’un coach n’est pas un thérapeute. Il peut même avoir l’impression d’entrer dans un creuset de réflexion qui n’est pas celui qu’il est venu rechercher. Parfois, il sait exprimer ses émotions, parfois le coach saura, aussi, l’aiguiller vers une profession plus adaptée à sa demande.
Quant au coach systémique, il utilisera une stratégie paradoxale qui prend le client par surprise, ce qui a l’immense avantage de créer un changement de paradigme chez le client. Cette stratégie paradoxale permet au client de voir tout le côté positif de l’émotion. Elle permet de prendre conscience que ses émotions sont tout simplement un indicateur, un symptôme d’un problème qui est ailleurs et qui peut se résoudre par une action ou une série de petites actions. Le client se sent soulagé et habité d’une énergie vibratoire bien plus positive.
Nous échangeons souvent avec Alain Cardon sur ces stratégies paradoxales, il les résume parfaitement dans son livre paru en Avril 2020 Les paradoxes du coaching systémique dans la conduite du changement. A la page 139 du livre, il décrit les associations clefs qui peuvent être partagées face à l’une des trois principales émotions basiques :
- « La tristesse est là pour rappeler aux clients qu’il leur est vraiment nécessaire de commencer à prendre soin d’eux-mêmes. Mettre en place un plan d’action qui réponde à leurs propres besoins est devenu une priorité. Que feraient ces clients, pour prendre soin d’eux-mêmes, s’ils étaient leurs meilleurs amis ?
- La colère est un combustible très puissant. Elle peut permettre aux clients de prendre des mesures actives. Ils ont juste besoin de s’assurer que grâce à ces actions, ils obtiendront des résultats positifs et durables pour toutes les personnes concernées. Comment le client peut-il devenir actif pour… plutôt qu’en colère contre… ? Comment le client peut-il obtenir un résultat gagnant-gagnant ?
- La peur est un excellent indicateur que les clients sont confrontés à une situation où ils peuvent avoir besoin d’avancer avec une extrême prudence, étape par étape, en évaluant les risques au fur et à mesure de leur progression. Il s’agit là d’être précautionneux. Quel est le plus petit pas et le plus sûr que le client peut prendre immédiatement, sans aucun risque ?
Plutôt que de considérer les émotions comme négatives, les coachs systémiques peuvent avoir des clients qui travaillent sérieusement sur des stratégies visant à accepter chacune de leurs émotions pour pouvoir travailler avec elle. Les émotions sont le carburant que nous permet de vivre des vies passionnées. »
La joie est une émotion que nous acceptons facilement. Nous la laissons passer sans s’y attarder un instant car elle paraît normale comme si les autres ne l’étaient pas. La joie est aussi un indicateur de passion, de motivation, de confiance en soi, de savoir vivre le moment présent, le ici et maintenant. Elle est une superbe alliée pour se reconnecter. La vivre consciemment en tant qu’indicateur permet de la vivre plusieurs fois.
III – Les émotions en coaching systémique d’équipe et/ou d’organisation.
Le pire qu’il puisse arriver est, je pense, vouloir obliger que tout le monde soit dans la joie. Je rejoins parfaitement la philosophe Julia de Funès quand elle s’offusque de voir des entreprises qui ont créé des postes de Chief Officer du Bonheur.
C’est vrai que l’on ne m’a jamais appelé pour me dire « nous avons besoin d’un coaching car chez nous les gens sont heureux ». Et pourtant, c’est là que l’entreprise ira chercher son excellence. Toutefois, ce moment puissant pour l’équipe ou la famille, je l’ai souvent permis après des actions de coaching où l’équipe a d’abord travaillé sur la thématique « nos émotions nous empêchent d’avancer ». D’ailleurs, on est plutôt appelé pour cette raison : comment faire avec nos émotions qui nous empêchent d’avancer ?
En coaching d’équipe et d’organisation, de la même manière, le coach systémique par une approche paradoxale permettra à l’équipe ou l’organisation de voir cet ensemble d’émotions comme un indicateur, un symptôme d’un problème plus profond ou ailleurs. Cette approche paradoxale peut permettre à l’équipe de voir le côté positif de cet ensemble d’émotions et surtout d’agir autrement. Pour un coach systémique, l’émotion c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt
Parce qu’un exemple vaut toutes les explications du monde, voici ce que j’ai vécu il y a tout juste 6 semaines au moment où j’écris cet article :
Pendant ce moment de transition entre le confinement, le déconfinement et le retour à une autre réalité, une entreprise fait appel à mes services car elle vivait trop de colère et me demandait de leur permettre d’apaiser cette colère. Cette demande est formulée par le DRH en accord avec le PDG, ils ont aussi exprimé qu’il y avait un taux d’absentéisme très élevé ; du jamais vu dixit le DRH. Nous avons décidé de réaliser un coaching d’équipe avec le Comité de Direction élargi.
En présence de tout le monde y compris DRH et PDG, après avoir commenté ce qui m’avait été exprimé, par une stratégie paradoxale, j’ai demandé à chacun des membres du groupe d’exprimer avec colère leur colère.
Cette stratégie paradoxale a eu pour effet de créer de l’humour chez les plus colériques, revendicatifs, d’écouter la colère de certains et aussi la tristesse et la peur d’autres personnes. Il y avait aussi une musique de fond qui disait « soyons optimistes, nous avons toujours su trouver des solutions ».
Cette stratégie paradoxale a permis à chacun d’exprimer son émotion et d’entendre les émotions des autres, de percevoir que pour la même chose chacun le vivait d’une manière différente.
J’ai alors pu poser la question suivante : si ces émotions complètement normales que vous vivez sont tout simplement un indicateur d’un problème de fond, alors quelles décisions immédiates faut-il prendre ?
Nous avons travaillé durant deux jours et il en est ressorti des décisions et plan d’actions de ce type :
- Un mode opératoire totalement novateur sur le télétravail. A posteriori, j’ai supposé que cette action été liée à la tristesse et/ou la colère car, au départ, l’entreprise voulait imposer un télétravail de 1 jour sur 5 pour tout le monde.
- La transparence sur les chiffres. A posteriori, j’ai supposé que cette action été liée à la peur de disparaître. Alors qu’avant c’était tous les mois et uniquement pour certaines personnes, l’entreprise a décidé d’informer tout le monde et tous les jours de son niveau de trésorerie, de ses ventes avec le taux de marge, de ses stocks, des nouveaux clients. Une fois par semaine, la direction financière informe de la santé financière des 10 clients majeurs de l’entreprise et des 5 fournisseurs majeurs de l’entreprise.
- La confiance. A posteriori, j’ai supposé que cette action été liée à la colère car pendant le confinement certains ont eu plaisir à prendre des initiatives sans se sentir jugés et en se sentant encouragés. Il y avait une colère car ils voulaient conserver cette dynamique. Ils ressentaient à tort ou à raison que la direction voulait reprendre un certain contrôle sur certaines initiatives, comme s’il n’y avait plus de confiance. Ils ont décidé que celui qui prend une initiative, l’explique dans la messagerie générale de l’entreprise. In fine, tous les jours sur la messagerie générale de l’entreprise, au moins une personne décrit son initiative. Ils ont pris l’habitude de s’encourager et se féliciter entre eux. Le PDG et le DRH s’y sont mis aussi.
Depuis 6 semaines, j’échange régulièrement avec le dirigeant, on vient de réaliser un CODIR par Zoom de 1h30. Le premier résultat mesurable est le taux d’absentéisme qui est plus bas qu’avant le confinement. Le deuxième résultat mesurable est l’augmentation constante à vue d’œil du CA de l’entreprise, ils n’ont pas encore retrouvé le rythme d’avant le confinement, ils sont très confiants. Le troisième résultat mesurable est qu’ils ne me parlent plus d’émotions négatives et, lorsqu’ils parlent, j’entends et ressens une énergie très positive. Je n’ai aucun doute que ceci va durer.
En fait, la thématique des émotions est similaire à tous ces thèmes que les entreprises veulent développer comme le leadership, l’agilité, les résultats, la gestion du temps, la délégation, l’autonomie, le contrôle, la motivation, l’engagement, la transparence, les talents, la prise de décision, la confiance, la relation, l’innovation, la conduite du changement, le changement culturel, la transformation culturelle et bien d’autres que j’oublie : ils ne sont que des indicateurs à un problème de fond.
Quand j’imagine le nombre d’heures et d’euros dépensés depuis des décennies par les entreprises autour de ces mots (maux) et bien d’autres, et que l’on continue à chercher, comme pour les émotions, je pense qu’ils ne sont pas le problème mais des indicateurs d’un problème de fond bien plus puissant.
IV – Les émotions du coach systémique
Il n’a pas pour habitude d’aller chercher les émotions ou de les provoquer, c’est pour cela qu’il pose très rarement la question « comment te sens-tu ? ou que ressens-tu ?». Toutefois, il est conscient de ses propres émotions, il peut supposer que si elles viennent pendant la relation de coaching, peut-être, c’est pour quelque chose et qu’elles peuvent être aussi un indicateur au service de l’objectif du client.
Voici deux exemples :
- Alors que je suis en train de réaliser un coaching individuel, je me rends compte que la façon dont mon client s’exprime, fait, me met intérieurement en colère. Colère qui n’est pas normale car je n’ai pas à être en colère. Alors, je dis à mon client qui acquiesce : « permets-tu que je t’interrompe ? » « Je suis totalement désolé, en t’écoutant monte en moi une colère, ce n’est pas normal, je m’en excuse et si tu le souhaites nous pouvons même arrêter la séance de coaching ». Le client très surpris, me demande de continuer alors je lui dis « imaginons que ma colère ne soit pas venue là par hasard, peut-il y avoir un lien avec ta situation ? ». Mon client acquiesce différemment et après un moment de réflexion intérieure voire d’introspection, me dit « en fait, quand j’ai peur de ne pas réussir, je m’exprime d’une manière qui crée de la colère chez les autres ». A partir de là, il a mis en place tout un plan d’action en avançant pas à pas et peu à peu sans se presser ni presser les autres. Il a atteint son objectif dans un espace-temps différent, c’était totalement nouveau et apaisant pour lui et certainement pour les autres aussi.
- Lors d’un coaching de direction dans une PME familiale, le CODIR n’est pas complètement satisfait de la décision qu’ils ont prise sur un sujet d’avenir qui les intéresse. Ils décident de faire une pause. Pendant cette pause où tout le monde discute de différentes choses, le père (PDG) et le fils (DG) abordent en toute légèreté la mort du fils ainé qui a eu lieu il y a plusieurs années. Je suis touché par leur façon de parler du fils/du frère avec autant de légèreté et d’amour. Les larmes me viennent, je les laisse couler. Le PDG s’en rend compte et me dit en souriant « je vois que tu es touché, tu projettes la situation sur toi ». Je lui réponds « Bien sûr, tu as raison » et d’ajouter « d’ailleurs, permettez-vous que je vous pose une question : Si vous faite un lien entre votre projection pour l’entreprise et la décision que vous venez de prendre : peut-il y avoir une autre décision ? »
Pour le coach systémique, les émotions font partie de sa conscience systémique : ce n’est pas par hasard si elles sont venues dans cette espace de coaching. Que ce soit les émotions du client individuel, famille, équipe, organisation ou du coach systémique, le coach systémique les mettra subtilement au service de son client et même à son propre service. Elles sont d’excellents indicateurs utiles, bénéfiques pour permettre à son client de penser et agir autrement.
Le coaching est le seul métier au monde qui ne donne pas de solution. Il n’est expert en rien ou bien est expert dans la non-solution. Le coaching systémique est pragmatique, centré futur, action, résultat. Pour le coach systémique, chaque client, chaque cas, chaque système est une situation particulière, aucune situation ne pouvant ressembler à une autre. L’art du coach systémique est de provoquer la prise de décision et sa mise en action. C’est pour cela que le coaching systémique ne peut être un concept, un modèle, un outil, une procédure. Le coaching systémique est une philosophie.
Claude Arribas
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